dimanche 17 octobre 2010

Nous, on est brol

 Jaco Van Dormael, cinéaste belge

Si le propre du Belge est de ne pas avoir d'identité, je suisBelge. Je n'ai pas une idée de moi-même définissable. Je suissûrd'être le père de deux enfants, et d'avoir 40... non 41 ans. Je sais...que j'ai grandi en Allemagne, que j'ai un peu habité en France, que je suisvenu en Belgique à l'âge de 8
ans. Mon père est Flamand, ma mère francophone. (...)

Nous, on est brol. On a une civilisation bric-à-brac. Une des raisons pour lesquellesje visici, alors que je pourrais faire mon métier beaucoup plus facilement ailleurs,c'est que j'aime cette espèce de chaos qu'est la
Belgique, et Bruxelles,en particilier. J'y trouve une liberté beaucoup plus grande que dans les cultures structurées, où il y a des écoles, un bon goût et un mauvais goût. Ici, j'ai l'impression qu'il n'y a pas d'écoles, que tout le monde fait n'importe quoi, bricole, et que ça ne ressemble à rien. Cela donne une grande liberté: on peut penser comme on veut. La Belgique enseigne à ceux qui y habitent, qu'on peut tout combiner avec n'importe quoi. D'où cette cuisine de la rupture, qui joue sur la juxtaposition de contrastes, de choses qui ne fonctionnent pas bien ensemble a priori. (... )

Il n'y a qu'à regarder Bruxelles: c'est n'importe quoi avec n'importe quoi. Et j'aime me balader dans n'importe quoi. Quand je vais à Paris,je suffoque de structures, c'est comme s'il y avait une mainmise du paysage.
Je ne sais plus qui a dit ça, qui me semble bien définir la Belgique: "c'est un pays où il faut être fou pour ne pas devenir dingue". Cette folie est une forme de fête. L'imagination devient absolument indispensable à la survie. Si j'habitais Rome, par exemple, je pense que je ne travaillerais pas. Car là-bas, je me contenterais de dépeindre une réalité qui existe, qui n'est pas tellement nécessaire, puisqu'elle est là. Ici, en Belgique, la beauté est invisible, et il faut la révéler, la chercher dans la laideur. De plus, tout se passe toujours derrière une porte, dans une arrière-salle, rien n'a pignon sur rue.

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