mercredi 20 octobre 2010

François Pirette en Premier ministre




-Monsieur le Ministre, pourriez-vous expliquer pourquoi la Belgique a décidé de ne pas organiser de referendum comme la France l'a fait pour la Constitution européenne?

-Oh, je pense tout simplement qu'elle n'en a pas besoin. Vous savez, la Belgique a peut-être trois langues nationales mais elle sait parler d'une seule voix. C'est pas comme en France où vous avez tous la même langue mais vous-n'arrivez pas à vous comprendre. Vous n'êtes jamais d'accord avec rien. Vous savez, je crois que la Belgique, c'est l'exemple vivant que des communautés de langue et de culture différentes peuvent très
bien vivre ensemble en toute harmonie tout simplement en partageant les mêmes idéaux et les mêmes valeurs. On est tous différents mais tous unis. D'ailleurs, nous on dit: l'union fait la Force. Vous savez, la Belgique, c'est comme qui dirait. depuis 150 ans, une mini-Europe. C'est une maquette.

-Monsieur le Ministre, on sait que vous avez été l'un des ministres flamands les plus offensifs dans le dossier BHV. Vous êtes déçu par sa mise au frigo jusqu'en 2007 ?

-Bon d'accord, toi te faut savoir que ici t'es à Bruxelles et que je suis pas obligé de répondre en français à la question que t'es même pas capable de me poser en néerlandais parce que peut-être que tu connais pas ma langue. Mais je vais le faire quand même pour être sûr que tu vas comprendre.
Bon, d'abord le dossier BHV, il est peut-être au frigo, il serait même au congélateur que quand moi je vais le sortir, je vais te le mettre au micro-ondes, thermostat 12 et ça, ça va tout péter. Ca va bien? Ca va tout péter. Quand je dis "tout péter". c'est pas BHV, c'est la Belgique et tout le bazar avec, parce que si ça n'était que pour moi, je te coupe tout ça en 2 avec des barbelés tendus de Courtrai jusqu'à Hasselt avec des miradors partout, des checks-points et contrôles linguistiques à la frontière. Ca va bien? Parce que je vais te dire, on garde Bruxelles, on te rend le roi, sa femme, le petit prince et tout le bazar! Et la couronne, t'as intérêt à la garder pour l'enterrement de la Belgique.
Parce qu'avec moi, la Belgique, c'est comme Capri, c'est fini! T'as compris? .

-Monsieur le Ministre, comprenez que nous en France, c'est un peu du chinois ce que vous racontez. Pour revenir à l'Europe, quel rôle la Belgique va jouer dans la nouvelle donne européenne?

-Oh, je pense que ça ne va rien changer, la Belgique va continuer à tenir le rôle qu'elle a toujours tenu. C'est-à-dire, le rôle du garant de la cohésion. La Belgique, c'est commequi dirait le ciment fondateur de l'Europe, celui qui réunit les peuples et leur destinée.
C'est le noyau de l'Europe autour duquel gravitent, comme les petites étoiles du drapeau, tous les autres pays tout autour. C'est pas pour rien que la Belgique abrite en son sein les principaux organes vitaux de l'Europe et comme je le dis toujours, la Belgique n'est pas que le coeur de l'Europe, c est aussi son foie, ses reins, ses poumons, c'est son pancréas et la Wallonie, c'est son gros intestin. Et l'intestin, c'est le seul organe vital sans
lequel tu peux vivre pendant des années. Suffit quand il est malade de le couper petit bout par petit bout, comme toi tu vas couper ta saloperie de caméra!

dimanche 17 octobre 2010

Nous, on est brol

 Jaco Van Dormael, cinéaste belge

Si le propre du Belge est de ne pas avoir d'identité, je suisBelge. Je n'ai pas une idée de moi-même définissable. Je suissûrd'être le père de deux enfants, et d'avoir 40... non 41 ans. Je sais...que j'ai grandi en Allemagne, que j'ai un peu habité en France, que je suisvenu en Belgique à l'âge de 8
ans. Mon père est Flamand, ma mère francophone. (...)

Nous, on est brol. On a une civilisation bric-à-brac. Une des raisons pour lesquellesje visici, alors que je pourrais faire mon métier beaucoup plus facilement ailleurs,c'est que j'aime cette espèce de chaos qu'est la
Belgique, et Bruxelles,en particilier. J'y trouve une liberté beaucoup plus grande que dans les cultures structurées, où il y a des écoles, un bon goût et un mauvais goût. Ici, j'ai l'impression qu'il n'y a pas d'écoles, que tout le monde fait n'importe quoi, bricole, et que ça ne ressemble à rien. Cela donne une grande liberté: on peut penser comme on veut. La Belgique enseigne à ceux qui y habitent, qu'on peut tout combiner avec n'importe quoi. D'où cette cuisine de la rupture, qui joue sur la juxtaposition de contrastes, de choses qui ne fonctionnent pas bien ensemble a priori. (... )

Il n'y a qu'à regarder Bruxelles: c'est n'importe quoi avec n'importe quoi. Et j'aime me balader dans n'importe quoi. Quand je vais à Paris,je suffoque de structures, c'est comme s'il y avait une mainmise du paysage.
Je ne sais plus qui a dit ça, qui me semble bien définir la Belgique: "c'est un pays où il faut être fou pour ne pas devenir dingue". Cette folie est une forme de fête. L'imagination devient absolument indispensable à la survie. Si j'habitais Rome, par exemple, je pense que je ne travaillerais pas. Car là-bas, je me contenterais de dépeindre une réalité qui existe, qui n'est pas tellement nécessaire, puisqu'elle est là. Ici, en Belgique, la beauté est invisible, et il faut la révéler, la chercher dans la laideur. De plus, tout se passe toujours derrière une porte, dans une arrière-salle, rien n'a pignon sur rue.